La Grande Singerie du château de Chantillypar Catherine
AUGUSTE 1/ Un décor attribué à Christophe Huet
La Grande Singerie du château de Chantilly, boudoir destiné à l’origine à accueillir les porcelaines du duc de Bourbon, offre un décor caractéristique du style rocaille mêlant singeries et chinoiseries traitées de façon fantaisiste ou allégorique. Elle doit son nom au fait que les scènes représentent des singes au service des hommes et vice versa. Ces peintures sur lambris, attribuées à Christophe Huet (1700-1759), présentent un exemple exceptionnel du goût assez fréquent au XVIIIe siècle pour l’exotisme oriental chinois. En 1710 le château de Chantilly revient à Louis-Henri Bourbon-Condé (1692-1740), duc de Bourbon qui poursuit l’aménagement entrepris par son grand-père, le grand Condé. Le décor du petit château est ainsi remanié en 1737, date de l’exécution de la Grande Singerie que l’on attribue à Christophe Huet, peintre réputé de tableaux d’animaux et d’oiseaux. Mais longtemps on hésita sur l’auteur (Watteau, Claude Gillot, Audran ?) car les archives ne révèlent aucun paiement fait par le duc pour le décor des deux singeries : la Grande Singerie fait partie des grands appartements de l’étage tandis que la Petite Singerie se situe au rez-de-chaussée. Cependant des restaurations récentes ont mis à jour la date d’exécution du boudoir : l’inscription « 1737 » est peinte sur le bloc de marbre que le singe sculpteur modèle. C’est ainsi que l’on a pu éliminer les auteurs longtemps présumés : Watteau, mort en 1721, Claude Gillot, mort en 1722 et Claude Audran, mort en 1734. Dès lors on attribua les décors des Singeries à Christophe Huet qui par ailleurs travaillait pour la famille Condé en 1734-1735. La facture et le style de deux autres décors encore visibles et réalisés par Huet ont permis de faire ces rapprochements : le Cabinet des Singes de l’hôtel de Rohan (aujourd’hui Archives nationales à Paris) en 1749-1752 et le Salon chinois du château de Champs-sur-Marne avant 1755. Huet fut l’élève de Gillot et l’on sait qu’il collabora avec Audran pour le château d’Anet en 1733. Son style est emprunté à ceux de Berain, d’Audran et de Watteau et de Boucher. Il avait deux collaborateurs : Dutour pour les animaux et Crépin pour les paysages.
2 / L’iconographie de la Grande Singerie
Les allégories et les fantaisiesComme nous l’avons vu l’ensemble de la pièce est décoré de peintures sur lambris et plafond ainsi que de boiseries sculptées et dorées. Sur chaque panneau ou dessous-de-porte prennent place des allégories des Sciences (Géographie, Astronomie, Chimie), des Arts (Peinture, Sculpture, Musique), de la Guerre, de la Chasse où les Chinois, aux traits peu marqués comme chez le peintre Boucher, sont entourés de singes qui à leur tour peuvent être servis par les hommes. Toutes ces allégories révèlent les intérêts ou les activités des princes de Condé.
La Chasse, véritable distraction des ducs de Bourbon, s’illustre sur le panneau du singe piqueur et du singe livreur en livrée des Condé (couleur ventre-de-biche et amarante, jaune et rouge) de part et d’autre de la dame emplumée. Sur la partie haute, un trophée de chasse, dans le soubassement un cor de chasse. La Chasse aussi court sur le plafond : le long de la plinthe sont représentées une chasse au daim d’un côté et de l’autre une chasse au sanglier tandis que sur la frise dorée figurent des animaux et des attributs de chasse.
3 / La chinoiserie et les influences de Watteau, Boucher, Audran…Le décor de la Grande Singerie est révélateur du goût pour l’Extrême-Orient dès le début du règne de Louis XV. D’autres exemples précèdent. D’abord le thème de la singerie remonte au Moyen Age. Le singe par ses attitudes souvent comiques aux yeux de l’homme se prête parfaitement aux caricatures, aux « singeries » des activités humaines. Les plus anciens exemples se rencontrent dans les marges des manuscrits enluminés du XIIIe au XVe siècle. On y voit des singes s’activent avec parodie dans des rinceaux végétaux. Celui de la chinoiserie en tant que thème décoratif est plus récent et elle est une pure création occidentale. Dès la fin du XVIIe siècle, Berain introduit le motif du Chinois pour les modèles de la Tenture des grotesques chinois. Les ornemanistes disposaient en cette fin de siècle d’une puissante documentation sur la Chine qui représentait pour l’Européen, l’exotisme, les oiseaux merveilleux, la richesse des fruits, l’insouciance et la gaieté. Outre l’engouement pour l’Extrême-Orient, l’attirance pour la chinoiserie venait d’une lassitude pour les ornements classiques ; elle répondait ainsi à un besoin de fantaisie. Cette pure création occidentale, où un Chinois ne pourrait s’y reconnaître, participe au renouvellement du répertoire ornemental traditionnel. Par sa souplesse, ses possibilités allégoriques elle s’insère très rapidement aux arabesques, au système rocaille où les singes trouvent leur place dans cet amalgame venu d’Orient. Avant la Grande Singerie de Christophe Huet, on peut citer Watteau, Boucher ou Audran. Watteau fut l’auteur d’une trentaine de peintures exécutées au château de la Muette en 1710-1716 dont il ne reste que les œuvres gravées par Boucher. Et Claude Audran, dont Huet fut un collaborateur, avait décoré des plafonds dans le goût de la chinoiserie notamment celui de l’hôtel Angran de Fonspertuis à Paris en 1721. Mais ce qui fait toute la magie du décor de la Grande Singerie de Christophe Huet est qu’il fut miraculeusement conservé. Quelques liens internet
Quelques lectures sur les singeries et les chinoiseries
Autre article du site sur les chinoiseriesPour visiter la Grande Singerie du château de ChantillyOuvert tous les jours sauf le mardi.
www.chateaudechantilly.com
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