La restauration de peinture de chevalet

Christelle Chazeau et Alain Montoir,
L’accro des toiles
13160 CHATEAURENARD
Tél. 04 90 94 53 88
Mobile 06 87 49 37 60
contact(at)accro-des-toiles.com

www.restauration-tableau-peinture.com

Un interview de Christelle Chazeau et Alain Montoir,
restaurateurs diplômés de peinture de chevalet

 

Vous travaillez à deux dans votre atelier de restauration de Chateaurenard. Cela tient-il à des compétences respectives ?

 

Au départ, nous avons la même formation donc des compétences équivalentes. Nous sommes capables tous deux de traiter un tableau de la première à la dernière étape, de l’élaboration d’un devis au vernissage final de protection de l’œuvre en passant par l’établissement d’un plan de travail, la réalisation des moindres opérations de conservation et de restauration.

Mais en travaillant ensemble, nous nous sommes aperçus que naturellement Alain se consacrait plus facilement aux opérations liées à la conservation c'est-à-dire, par exemple, les rentoilages qui impliquent un travail plus physique (démontage de la toile de son châssis, mise en place sur bâti provisoire, encollage, remise en tension sur, éventuellement, un nouveau châssis, fabrication même du nouveau châssis) ou bien  pour le traitement des bois (traitement contre les xylophages sur châssis et panneau d’une part, redressement de panneau gauchi par incrustations de pièces de bois par exemple ou encore parquetage d’autre part).

Pour les opérations de restauration plus « paisibles », plus sensibles, c’est aussi tout naturellement que Christelle s’y emploie. Un allègement de vernis ancien, le masticage des lacunes de couche picturale et les retouches aux pigments-vernis incombent donc à sa tâche.

 

Cette double compétence signifie quelque part, qu’il y a des niveaux d’intervention variables dans la restauration d’œuvres peintes ? Je pense aux concepts de restauration, de conservation ou de prévention.
Pouvez-vous nous éclaircir un peu sur ces notions.

 

En effet, il y a plusieurs niveaux d’intervention dans la restauration des œuvres peintes qui peuvent être dissociés ainsi :

La conservation qui a pour but :
- pour le moins, la stabilisation de l’état de l’œuvre, son assainissement général et l’élimination des causes de son altération
- pour le plus, sa protection contre les facteurs nocifs et destructifs de son milieu.

La restauration qui a pour but de présenter l’œuvre dans l’état le plus favorable à la lecture de sa représentation et le plus proche de sa réalité originelle.

La prévention qui a pour but de voir les éventuels problèmes que pourrait subir un tableau avant qu’ils n’apparaissent. Il peut s’agir d’un traitement anti-xylophage d’un panneau ou d’un châssis non encore infesté mais conservé dans un endroit où ce problème existe. Ou bien si lors d’un contrôle sur le bon maintien de la couche picturale sur son support on remarque des fragilités, alors on procède à un refixage préventif. Il arrive également que l’on doive consolider une toile trop fine ou affaiblie afin d’éviter qu’elle ne se déchire à la moindre tension.

Ces différentes interventions peuvent donc être dissociées et nous pouvons dans certains cas ne faire que de la prévention, dans d’autres cas nous arrêter à la conservation pour garder une certaine patine à l’œuvre, lui laisser ses marques du temps, la garder dans son « jus » comme disent les antiquaires. Seule la restauration ne va pas sans un minimum de conservation…

 

On n’a pas toujours restauré de la même façon depuis que la peinture existe. Quelles sont les règles déontologiques d’aujourd’hui ?

 

Les règles déontologiques en matière de restauration de tableaux suivent 3 grands principes :

La compatibilité des matériaux utilisés, c'est-à-dire que ce que l’on ajoute ne doit pas dénaturer ce qui existe.

La réversibilité ; toutes les opérations effectuées doivent pouvoir être retirées sans provoquer de nouvelles altérations.

La lisibilité ; rendre sa lisibilité à une œuvre ne veut pas dire qu’il faut masquer le fait que le tableau a subi une restauration au contraire une retouche doit se voir de près mais se fondre à distance.

Notre travail consiste à redonner au tableau son aspect originel en faisant en sorte que notre intervention soit la plus discrète et la plus minimaliste possible en vue d’un respect total de l’œuvre et de l’artiste. Le restaurateur n’est pas un créateur mais un technicien en médecine de l’art.

 

Avez-vous rencontré des erreurs de restauration irrémédiables dans les travaux qui vous ont été confiés ?

 

Les restaurateurs autrefois étaient bien souvent des peintres qui masquaient les lacunes de manière abusive ou réinterprétaient même parfois les tableaux…

Ainsi, souvent nous devons dégager des repeints non adaptés, des surpeints et des mastics débordant. Les encollages qu’ils utilisaient, n’étaient pas réversibles mais tout cela n’était pas dû à des erreurs mais plutôt à la non-connaissance… Depuis les matériaux ont changé, ils sont plus adaptés et les restaurateurs sont formés mais c’est un métier relativement récent et nous sommes confrontés à des croyances ancestrales comme quoi on pourrait nettoyer un tableau à la pomme de terre ou au citron ou qu’il suffit de coller une « rustine » pour réparer un accro. Même s’il est plus difficile de restaurer un tableau ayant déjà été retouché qu’un tableau vierge de toute intervention, il est pratiquement toujours possible de faire quelque chose. Seules les brûlures et les nettoyages effectués avec des solvants non adaptés et trop agressifs sont source de dégradation irrémédiable. Si la surface endommagée est grande alors nous ne pouvons reconstituer ce qui manque, nous mettrons alors une teinte de base car il nous faut absolument des indications, des éléments proches du manque pour le combler.

 

Le métier de restaurateur fait appel à des compétences techniques pointues. Qu’en est-il des connaissances sur l’histoire de l’art, sur l’esthétique… ?

 

Pendant les 4 années de formation que nous avons reçues, deux heures de cours sur l’histoire de l’art par semaine nous étaient prodiguées. Bien sûr c’est peu compte tenu de l’étendue très vaste de ce domaine. Néanmoins, nous y avons acquis les bases et formé notre œil. Nous avons continué à nous former en consultant régulièrement des revues sur l’art. Ainsi, face à un tableau, nous pouvons reconnaître une époque, une école de…, ou bien parfois même la facture d’un peintre.

Nous n’avons pas la qualité d’expert mais grâce aux documents accumulés en cours de carrière et les livres à notre disposition, nous pouvons faire des découvertes ; retrouver des noms de peintres dont la signature est incomplète ou attribuer des œuvres à des peintres comme ce tableau presque entièrement repeint découvert dans une brocante qui une fois dégagé de ses surpeints et restauré avait une facture tout à fait remarquable (voir en exemple de restauration ci-dessous). En consultant une revue, Alain tombe en arrêt sur une reproduction d’un tableau de Ary Scheffer, école française du XIXe siècle, et fait le rapprochement avec le tableau restauré. Tout concorde, l’iconographie, le style et surtout la facture. Son intuition a été confirmée par un conservateur de musée de la région PACA.

 

Pour toutes les raisons que nous avons évoquées, ne devient-on pas un restaurateur spécialiste d’une période picturale ou d’un genre ?

 

Nous n’avons pas de prédilection pour un genre ou une époque précise. Nous restaurons avec la même attention et le même enthousiasme toutes peintures sur panneau de bois, toile, cuivre ou papier datant aussi bien du début XXe que des icônes du XVe siècle en passant par des toiles décoratives du XVIIIe siècle.

 

Un exemple de restauration de tableau par Christelle Chazeau et Alain Montoir

Tableau repeint presqu'intégralement
(année 30)
où seul le visage semble d'origine


© montoir et chazeau

 

L'enlèvement des surpeints laisse apparaître un autre personnage
© montoir et chazeau

 

Dégagement des surpeints
© montoir et chazeau

 

Détail du nettoyage
© montoir et chazeau

 

Application des mastics sur les anciennes lacunes
© montoir et chazeau

 

Après restauration, le tableau retrouve sa véritable composition

"Saintes femmes méditant auprès des instruments de la passion" vers 1820.
(H : 0,64 - L : 0,54)
d'après :
François-Joseph NAVEZ (Charleroi, 1787 -  Bruxelles 1869)
Musée du Louvre

 (Attibué à Ary Scheffer peintre du XIXe siècle)


© montoir et chazeau

 

Peinture de  Ary Scheffer (Marie Madeleine)

Ary Scheffer (1795 - 1858), peintre français d’origine hollandaise, né à Dordrecht. Très jeune il apprit le métier de peintre dans l’atelier de Guérin à Paris. Il tenta diverses expériences : sujets inspirés de Faust très vogue (Marguerite eu rouet, Marguerite à l’église, Faust tourmenté par le Doute…), sujets religieux (Christ au jardin des oliviers, Christ mis au tombeau..), portraits (Chopin, Liszt, La Fayette, Lamartine, la reine Marie-Amélie…). Très proche des peintres académiques, il devient en 1830 le peintre officiel du roi Louis Philippe.

 


© montoir et chazeau

 

   

 

 


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