Interview de Jacqueline Lelevé
1/ Votre livre commence par des conseils sur la technique picturale que vous utilisez. Vous avez choisi la peinture à la caséine. Pourquoi ce choix et quels sont ses avantages ?
2/ Les modèles ne manquent dans votre ouvrage et vous semblez
avoir une prédilection pour les frises.
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Les frises permettent de souligner et de mettre en valeur un modèle central (sur une porte, par exemple). Elles sont un accompagnement ; elles peuvent se retrouver sur des montants, et sur les côtés d’un meuble pour donner une harmonie globale. J’utilise un grand nombre de frises car elles sont une source inépuisable de décors dans toutes les époques. Elles peuvent aussi être un décor en elles-mêmes pour un miroir par exemple. On peut les transformer en les mettant en relief, en à-plats, en trompe l’œil… C’est un genre que j’ai toujours apprécié et qui est une grande source d’inspiration.
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Pour moi, la composition est en effet le moment le plus difficile : un meuble a 3 côtés à décorer et l’ensemble doit être harmonieux et cohérent. En général, je choisis d’abord le motif central : paysage, motifs floraux, etc. Une fois cet élément installé, je cherche la frise où les motifs d’accompagnement, dans le même style : si je fais un paysage XVIIIe siècle, je chercherai des volutes ou frises baroques qui pourront l’accompagner, sans anachronisme. Cela demande de faire quelques recherches ! Les choix ne sont pas toujours faciles car les frises doivent accompagner avec discrétion : c’est d’abord le motif central qui doit attirer l’attention.
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Je peins sur des supports qui ont besoin d’être valorisé, le chêne, le noyer ou tout autre bois noble est beau en lui-même et n’a nul besoin d’être camouflé. Par contre, un meuble en sapin ou tout autre bois ordinaire peut ressortir embelli par une peinture décorative. Mais il peut être parfois difficile de transformer un meuble dont la forme n’est pas heureuse et il faut de l’imagination pour le mettre en valeur par la décoration !
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Ces armoires alsaciennes du XIXe siècle sont généralement en sapin, donc en bois pauvre et se trouvaient dans des milieux modestes. Elles étaient très souvent peintes et pyrogravées pour leur donner plus de valeur ; elles étaient offertes en cadeau de mariage et étaient le seul meuble important du jeune ménage. Le décor était fait de motifs floraux assez naïfs ou religieux, exécutés par des paysans lors des soirées d’hiver quand les travaux des champs leur laissaient quelque répit. Cette armoire des moissons a très probablement été peinte autrefois, mais je n’en ai pas trouvé de traces car lorsque je l’ai achetée, elle avait été décapée.
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A propos du décor, je n’avais rien défini avant de commencer, je savais simplement que j’avais envie de retranscrire une partie du tableau de Bruegel, sur la porte centrale : j’ai donc commencé par peindre cette porte (après avoir, bien entendu, fait le fond). Ensuite seulement, j’ai réfléchi aux côtés que je voulais cohérents par rapport à la porte. J’ai fait quelques recherches sur les arts décoratifs de la période de Bruegel et j’ai trouvé un motif d’une plaque de couverture d’un incunable, au tout début de l’imprimerie. Une fois ce gros travail terminé, j’ai peint les frises de la porte, toujours de la même époque. Lorsque je commence un meuble, je n’ai jamais une idée précise du projet fini : je pars d’un élément et les choses s’articulent au fur et à mesure que j’avance, ce qui peut prendre un certain temps : la composition est un art difficile !
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La réalisation d’un meuble, dans le style de peinture que je fais, assez minutieux, demande beaucoup de temps ; une armoire comme celle-ci est une œuvre de longue haleine et il est difficile d’en fournir un grand nombre dans une année ! Il faut également trouver le support brut qui ne soit pas trop onéreux, ce qui se fait rare ! Je fais donc généralement des meubles plus petits et plus facilement logeables dans un habitat classique. |
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