Bleu de Lectoure, une Interview de Denise et Henri Lambert
une interview de
Denise et Henri Lambert
www.bleu-de-lectoure.com
Ancienne Tannerie
Pont de Pile
32700 Lectoure
Tél. 00 33 (0)5 62 68 78 30
Fax. 00 33 (0)5 62 68 91 52
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1/ Nous connaissons les désignations bleu de
pastel ou de bleu de guède. Pourquoi le bleu de Lectoure ?
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Le « Bleu de Lectoure » est une sorte
d’appellation contrôlée que nous a donné la presse. Notre société
s’appelle d’ailleurs : la sarl Bleus de Pastel de Lectoure. Le bleu
de Pastel et le bleu de guède sont des noms attribués par la
localisation des cultures du Pastel - la guède ou la wouède est le
nom de la plante (Isatis tinctoria) dans le Nord de la France tandis que le
Pastel est celui de l’Occitan.
Il faut savoir qu’il y a plusieurs nuances de
bleu Pastel (bleu/gris clair ou même bleu gris noir) qui furent
contrôlées par Colbert pour les Rois de France.
Cuves de feuilles de
Pastel avant l’extraction du pigment pur
© bleu de lectoure
Cocagnes faites main
© bleu de lectoure
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2/ La teinture était la destination première du bleu de pastel
au cours de son âge d’or (XVIe siècle). Quelles furent les autres
utilisations de ce pigment ou de cette plante ?
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Il y a eu d’autres applications des fonds de
cuve de teinture, car ces cuves étaient montées à l’urine humaine
(uniquement celle des hommes) et lorsqu’elles sont finies, elles
sont bleues.
Malgré leurs puanteurs, ces cuves n’avaient jamais d’insectes autour
comme les cuves de tannage, donc les paysans de tout temps prenaient
ces fonds et peignaient les cornes des vaches, les charrettes, les
maisons des pêcheurs ainsi que leurs barques, les volets et portes
des fermes ainsi que l’intérieur des armoires de cuisine. La plante
contient une répulsif d’insectes, traitement de bois et fongicides.
En beaux-arts, les teinturiers vendaient une
mousse séchée, (La Fleurée de Pastel – écume dessus des cuves de
teinture) aux artistes peintres qui n’avaient pas beaucoup de sous.
C’est la naissance du premier bâton de pastel, uniquement bleu, dont
le nom est resté pour signifier une technique de dessin au
crayonnage à sec.
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3/ Et aujourd’hui ?
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Aujourd’hui les possibilités sont nombreuses.
Nous ne travaillons pas uniquement pour l’industrie textile, même si
nous avons développé un système de teinture sur bobines de fils
industrielles avec un teinturier à Castres, nous pouvons faire aussi
bien de la peinture de carrosserie automobile, aéronautique, du
plastic coloré avec des sociétés qui fabriquent du plastic
biodégradable à base de maïs, du papier, des encres d’imprimerie,
des produits de décorations, beaux-arts, cosmétiques et pour la
médecine, etc.
Nous avons des collaborations avec d’autres
partenaires qui font les deux autres couleurs « grand teint »,
c'est-à-dire, la Garance (rouge) et le Réséda Lutuella (jaune) pour
compléter une gamme diversifiée.
La Vierge Noire du Puy-en-Velay avec son mantel en velours de soie
Pastel - 2007
© bleu de lectoure
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4/ Aujourd’hui, vous avez remis en pratique l’exploitation du
pastel et la production de la matière colorante bleue. Utilisez-vous
le même processus qu’au XVIe siècle pour extraire de la feuille le
bleu de pastel ? Est-ce toujours aussi long ?
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Il serait impossible de refaire la
méthode du 15e siècle avec les cocagnes, car ce processus
était vraiment très limité et très long (8 mois). Les
chimistes de Napoléon 1er ont d’ailleurs découvert la
possibilité de faire précipiter la fécule colorante (le
pigment pur en poudre) en moins d’une semaine. Nous avons
simplement amélioré cette méthode avec les connaissances
d’aujourd’hui, même si cela nous a pris 4 années pour
trouver les secrets qui n'ont été transmis que de bouche à
oreille.
Actuellement, nous pouvons extraire le
pigment pur en moins de 24 heures en sachant qu’il nous faut
1 tonne de feuilles vertes pour uniquement 2 kg de poudre.
pigment pur avant séchage
© bleu de lectoure |
5/ La lecture du livre de Gilles Caster, Les routes de cocagne,
le siècle d’or du pastel nous apprend que la qualité de la
production, donc du rendement pigmentaire, était tributaire du
climat. Malgré les techniques agronomiques d’aujourd’hui êtes-vous
toujours tributaires du temps ?
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Il faut 15 jours minimum et consécutifs pour
avoir un peu de pigment. Nous savons que c’est le soleil qui
déclenche le processus de précipitation du pigment, donc plus de soleil, plus de
récoltes et plus de bleus magnifiques. Ceci explique pourquoi le Sud-Ouest aura toujours
de meilleurs bleus que nos amis du Nord, en
sachant que le Pastel est un indigo européen qui poussait
parfaitement aussi bien en Finlande qu’aux Açores et des Iles
Britanniques jusqu’en Russie (donc dans toutes les régions). |
6/ Nos internautes s’intéressent à la peinture sur bois et pour
le décor. Qu’avez-vous à leur proposer dans cette gamme de
produits ?
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Sur notre site internet (www.bleu-de-lectoure.com)
vous avez dans notre e-boutique toutes les explications de notre
gamme de produits de décoration.
Nos peintures pour bois sont entièrement
naturelles, faites à base de carbonate de calcium ou blanc de
titane, pigment pur, gommes arabiques ou huile de soja. Elles
contiennent toutes les qualités de ce pigment qui sont aussi
efficaces, si non mieux, qu’à l’époque.
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7/ Quelles sont les qualités du bleu de pastel, celles que l’on
mesure pour tout pigment en peinture ?
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Comme expliqué auparavant, les propriétés
principales sont ses pouvoirs de répulsif d’insectes, de fongicide
et de traitement du bois. (une substance incolore au niveau du
pigment et non la couleur bleu), sa consistance épaisse qui permet
de ne mettre qu’une seule couche, voir maximum deux (24 m² pour un
pot de 3 kg de peinture), ensuite la couleur déclinée en trois bleus
charrettes naturelles et qui s’intègre dans la nature sur toute
architecture (acceptée par les bâtiments de France) et en final, pas
de toxicité ni pour la peau, ni par inhalation donc parfaite pour
l’intérieur et extérieur.
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8/ Treize nuances de bleu de pastel étaient répertoriées
sous Colbert au XVIIe siècle. Cela existe-t-il encore ?
Si oui, quelles sont ces nuances et à quoi sont-elles dues ?
quelques nuances de bleu de Lectoure en crayon
de pastel
© bleu de lectoure |
Nous ne faisons pas les 13 nuances de Colbert,
mais 7 et uniquement en teinture. La volonté était de respecter la
vraie recette du Bleu Charrette qui n’existait qu’en une seule
nuance. Par contre, nous vendons notre pigment sous forme de pâte
colorante très foncée (bleu noir – « Bleu d’Enfer ») qui permet de
foncer les nuances actuelles en vente. |
9/ Quel avenir pour le bleu de Lectoure ? Avez-vous de nouveaux
projets en préparation ?
© bleu de lectoure |
Nous avons toujours des projets soit artisanal
soit industriel, ce n’est pas cela qui manque !
Les développements des pigments naturels soit,
au départ de plantes ou de minéraux et terres, vont aller de pair
avec l’écologie et vont progressivement faire partie de notre vie et
c’est tant mieux !
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Les pigments cités dans l'article peuvent être trouvés sur la
boutique du site
en www.droguerie-couleur.com
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