L’attribution remise en question
Cette armoire a longtemps été attribuée au
Dijonnais Hugues Sambin du fait de la qualité d’exécution et de la
profusion ornementale, deux caractéristiques de sa signature
stylistique. Mais l’analyse plus approfondie a permis d’établir
l’influence concomitante de Jacques Androuet du Cerceau. Ce dernier,
ornemaniste contemporain du maître dijonnais, publie dès 1550 son
fameux Recueil gravé de meubles puis Les plus excellens
bastiments de France en 1576. Sambin suit le même chemin avec
son ouvrage L’œuvre de la diversité des termes dont on use en
architecture, reduict en ordres en 1572. Ce recueil regroupe une
série de termes ; ces ornements en forme de buste posé sur une gaine
restent une des marques de son style.
Ces recueils d’estampes connurent des
retentissements considérables auprès des architectes et des
menuisiers qui trouvaient des modèles à recopier ou interpréter.
L’armoire du Louvre est un bel exemple de
multiples influences :
-
d’Androuet du Cerceau, on devine les motifs d’entrelacs des
latéraux, l’introduction de l’architecture dans le mobilier, les
colonnes ornées de rinceaux,
-
de Sambin, les termes ainsi que la profusion ornementale des
façades sculptées ne laissant pas de place au vide,
-
du style bourguignon, la présence de certains motifs comme le
« chou bourguignon » sous les frontons, les rinceaux de lierre
plutôt que d’acanthe,
-
de la seconde Renaissance, le rappel de l’antique avec la
figure d’Hercule dans sa niche inspirée de Rosso, le goût de
l’allégorie avec les panneaux peints représentant la création de
l’homme et le meurtre d’Abel par Caïn, le règne de l’architecture
sur le mobilier.
Les citations ornementales
Les termes, signature
stylistique majeure de Sambin, sont les trois bustes posés
sur gaine ou colonne et ceinturés de draps à la manière de
ceux dessinés par Sambin dans son ouvrage L’œuvre de la
diversité des termes dont on use en architecture, reduict en
ordres. Les deux représentations masculines ont des
allures faunesques avec la présence d’oreilles pointues dans
la chevelure. Ces trois termes sont dits canéphores car tous
portent une corbeille sur la tête.
Le « chou bourguignon »
est un motif végétal de forme verticale à mi-chemin entre la
palmette et la feuille d’acanthe ; il est caractéristique du
style régional bourguignon. Ils se trouvent sous les
frontons.
Les guirlandes de fruits et de fleurs
Les panneaux peints : la
création de l’homme et le meurtre d’Abel par Caïn sont
attribués au peintre verrier dijonnais Evrard Bredin.
Les éléments architecturaux sont
nombreux : fronton, niche, colonne, console, goutte et
rosace.
Les éléments décoratifs
empruntés au répertoire de la Renaissance : guirlandes de
fleurs et de fruits, rinceaux, oves, mascarons, mufles de
lions, palmettes, les sculptures dans les niches (la figure
d'Hercule sculptée sur le vantail de gauche dérive d'un
modèle gravé en 1526 par Caraglio et inspiré par la suite
des Dieux dans les niches de Rosso).
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