Comme son architecture et son utilisation, la
peinture du mobilier a évolué depuis les Anciens Egyptiens ; ceux-ci décoraient
somptueusement les sarcophages et le mobilier funéraire ; en
témoignent les pièces conservées jusqu'à nous. Ils enduisaient déjà le
bois de sycomore d'une substance crayeuse encollée et teintée de pigments.
Au XIIIe siècle avec le Vénitien Marco Polo et
les nouvelles découvertes des routes maritimes, les contacts entre Europe
et orient éveillèrent la fascination des marchands et des puissants pour
les laques de Chine et du Japon.
Les Compagnies des Indes furent à l'origine de
leur importation vers la France, la Hollande, l'Italie et L'Angleterre.
Louis XIV reçut en 1682 de l'ambassadeur du Siam une petite table japonaise
vernie de rouge.
Une véritable convoitise s'empare des cours
européennes pour cet art. A Florence, sous le règne de Cosme III de
Médicis, le père jésuite Bommani réussit à percer certains secrets
liés à la confection du laque.
En France au XVIIIe siècle, les frères Martin,
une dynastie d'ébénistes, avaient découvert un vernis imitant
parfaitement le laque. Leur manufacture royale produisait des meubles
laqués pour la dauphine de Saxe passionnée dit-on d'arts décoratifs.
A Venise devant les succès des meubles peints et
laqués et ne pouvant répondre à la demande, les artisans ébénistes
imaginèrent la lacca contraffata ou lacca povera; C'étaient des gravures
coloriées, découpées et collées sur les fonds déjà préparés au gesso
et peints de couleurs tendres. Puis on vernissait pour consolider le tout et
faire en sorte que les images collées passent pour des motifs peints à la
main. pour que l'humidité ambiante de la ville n'agisse pas sur le bois et
ne le déforme les Vénitiens marouflaient une toile fine avant d'appliquer
les enduits de gesso. un bel ensemble de meubles peints vénitiens est
exposé à la Rezzonico sur le Grand Canal.
Les Vénitiens avaient une prédilection pour les
couleurs pastel. Leur apogée se situe au XVIIIe siècle. Après avoir subi
l'influence française, le néoclassicisme s'inspira de l'Antiquité après
les découvertes de Pompéi et Herculanum (motifs étrusques ou pompéiens).
Arabesques et chimères furent typiques de l'école florentine.
L'Espagne et le Portugal après les influences
mauresques depuis le XVe siècle, subirent celles de l'Italie, de la France
et de l'Angleterre. Beaucoup de meubles sont rouge et or. Les lits catalans
sont riches de motifs religieux et pastoraux, ce qui leur donne un style
très particulier.
En Angleterre, les meubles "à la
japonaise" sous Charles II, contemporain de Louis XIV, connurent un vif
succès chez les aristocrates malgré leur prix élevé. Notons les noms de
Thomas Chippendale et des frères Adam qui au XVIIIe siècle assurèrent
l'architecture et la décoration intérieure de nombreux manoirs dans le
style néoclassique après un séjour prolongé en Italie.
La Hollande resta longtemps la seule importatrice
de laques japonais mais dès le XVIe siècle à Spa les Dagly, dynastie de
laqueurs, réussirent des imitations fort prisées. Gérard Dagly s'installa
ensuite à Berlin et son frère Jacques à Paris où il travailla avec
Watteau.
Les ornemanistes qui décoraient les demeures
princières créaient des dessins de marqueterie, des décors d'opéra, des
plafonds, des lambris tel Berain qui au service de Louis XIV inventa les
grotesques et les singeries (toujours le goût pour l'orient mythique) suivi
par Gillot. Le Brun, fondateur de l'Académie Royale, est l'auteur de
nombreux cartons décoratifs ; Le Pautre a créé plus de mille planches
d'ornements consignées dans des recueils qui circulaient dans toute
l'Europe par le biais des marchands d'estampes.
Au XVIIIe siècle les notables campagnards
s'ouvrent aux modes bourgeoises citadines : on constate donc dans toute
l'Europe une influence profonde de la peinture des meubles aristocrates dans
l'art populaire.
Les styles français et italiens avec les peintres,
les menuisiers, les ébénistes ont voyagé et influencé les modes du
mobilier sculpté ou peint.
La tradition des meubles peints trouve son
explication dans le contexte social historique et culturel de chaque
région.
En ce qui concerne l'art populaire, on a peint le
mobilier pour imiter les classes élevées mais aussi pour masquer la
pauvreté du bois, le protéger (avec du sang de bœuf) et certainement pour
apporter gaieté et humour dans la maison, imiter les sculptures et moulures
que les ébénistes répugnaient à faire dans du bois ordinaire.
En France, Allemagne, Suisse, Pologne, Russie, de
la Sicile à la Scandinavie en passant par l'Italie du Nord, la Suisse,
l'Angleterre, l'Autriche, on peint les meubles jusqu'au milieu du XIXe
siècle environ et parfois les objets usuels : panetières, moules à
beurre, boites et coffrets de mariage.
L'art populaire germanique suit la frontière
linguistique entre français et allemand (Alsace Palatinat). Les meubles
alsaciens du Sundgau ou du pays de Hanau ont un peu l'air allemand. On peut
en voir à Strasbourg au musée Alsacien ou à Colmar au musée d'Unterliden.
Plus vers l'Est, cette coutume passe par la
Thuringe, Saxe, Franconie, Tyrol, région de Salzbourg. Des coffres de
mariage décorés simplement en monochrome et au pochoir datent de la fin du
XVIe siècle.
Au milieu du XVIIe siècle l'évolution du meuble
peint c'est la couche de fond intégrale bien que le pochoir sur le bois
brut soit encore pratiqué en parallèle.
Chaque région a ses traditions, ses couleurs de
prédilection, ses peintres, ses sujets représentés venant souvent de
l'imagerie religieuse et médiévale.
Les bouquets sont composés de tulipes simples ou
luxuriantes, roses tendres ou éclatantes, fleurs des champs ou des jardins.
Ces bouquets dans des vases ouverts ou fermés ont une force symbolique
(arbre de vie). On trouve des fruits (pommes, poires, raisins) dans des
régions où ils poussent. La grenade ouverte symbolise la fécondité. On
trouve le thème architectural comme la silhouette d'une cité à quatre
tours dérivée de la marqueterie italienne. Ce motif s'élargit parfois en
paysages ou représentation de villages. Des scènes de genre représentent
les quatre saisons ou leur allégorie, un repas de noce, des danses de
mariage. Au musée de Bulle (canton de Fribourg) un meuble de Suisse
orientale montre un groupe de personnages jouant aux cartes ! Des sujets
religieux, des scènes bibliques ornent des armoires de Haute Bavière et de
l'Appenzel. On voit aussi des oiseaux, des chevaux, des chats, des chiens,
tout un bestiaire plus ou moins stylisé et symbolique. |