L'horloge Comtoise
Cet
article a été réalisé par
Alain CAUDINE
restaurateur d'horloge comtoise et auteur du
livre :
La
Grande Horloge,
La comtoise au XIXème siècle
Alain CAUDINE
Editions de l'Amateur, 2000, 272 pages
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Selon le Guide du meuble régional,
Yves Gairaud et Françoise de Perthuis, Edition haves, Paris, 1987 :
"La comtoise est synonyme d'horloge de parquet à gaine dont le Jura, berceau de
l'horlogerie, (...) fit une exportation massive. Fabriquées à Besançon, Morez, Morbier,
Foncine, les comtoises présentent une immense variété. La gaine est droite, pyramidale
ou violonée, en bois polychromé de couleurs vives. La corniche est souvent en chapeau de
gendarme, le corps est percé ou pas d'un oculus laissant voir le balancier. Le cadran en
émail, faïence ou laiton repoussé connaît également une diversité telle que des
ouvrages ont été consacrés à la comtoise." |
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Le berceau de la "Comtoise" est le pays
de Franche-Comté et plus spécialement autour de Besançon, Morez,
Morbier et Foncine. Certains pensent que l'horlogerie aurait été
introduite dans le Jura dès le XVI° siècle par des familles
catholiques du canton de Vaux fuyant les persécutions protestantes.
A la fin du XVIII°siècle, Besançon était considérée comme la
capitale de l'horlogerie. A la même époque, le département du Doubs
comptait déjà 48 fabriques d'horloges et 150 horlogers. Le
production culminera dans la seconde moitié du XIX° siècle.
Les jolies caisses d’horloges
comtoises anciennes, en sapin - car l'épicea était
particulièrement abondant dans les forêts du Jura-, étaient
peintes et décorées à la main, suivant une technique unique au
monde. Jadis pendant près d’un siècle, cette tradition étonnante
était mise en oeuvre par quelques individus seulement :
paysans-artisans du Jura principalement qui s’étaient sans doute
inspirés d’artistes ambulants, récoltant peut-être les recettes
de-ci de-là. Les premiers décors présentent des similitudes avec
ceux réalisés en Alsace et dans les pays de l’Est. Mais surtout
les Jurassiens ont eu le génie d’utiliser les fruits de
l’histoire du meuble peint, en passant par la marqueterie, pour
élaborer une technique qui leur est propre. (Cette résultante
est également valable en ce qui concerne la fabrication du
mécanisme qui fut le fruit d’une observation ingénieuse des
progrès successifs de l’horlogerie). Ce savoir était transmis
uniquement de façon orale, d’une génération à l’autre. Avec la
fin de cette activité créatrice, depuis le début de notre
siècle, aussi incroyable que cela puisse paraître, une tradition
typiquement française a totalement disparu.
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Exemple de décors :
On voit le veinage du bois clair et vertical et le veinage
faux-bois oblique
plus foncé par dessus.
Les couleurs rajoutées sur
les motifs gravés sont en
transparence et laissent
entrevoir les fibres.
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Le bois recevait plusieurs couches
de peintures dont la première, très épaisse, constituait l'apprêt à base d'argile, de
kaolin ou de plâtre. Les couches de peinture faites dextraits végétaux, minéraux
et autres ingrédients, permettaient de donner à lensemble lapparence du bois
de marqueterie : les mouvements du pinceau, les applications, parfois même une peinture
à pleine main, visaient à recréer les ronces, les veines ou les nuds d'un bois
plus riche que le sapin. Un des principes techniques de l'horloge comtoise
consistait à graver à main levée sur le bois les décors de volutes,
d'arabesques, épis de blé… dans la peinture encore fraîche. Toutes
les couches se séparaient du support en un seul mouvement. Ainsi, le
bois plus clair du sapin apparaissait, contrastant aux endroits où
la peinture plus foncée étaient enlevée. Ici, le bois n’est pas
uniquement un support mais est utilisé et mis à profit de façon
optimale : il devient un allié et par corollaire partie intégrante
du décor. On parle de "marqueterie du pauvre".
D'une manière générale, les filets gravés, les volutes et
autres arabesques n'étaient jamais peints. La couleur à l'œuf ou
à la colle était appliquée en remplissant les creux des décors
de fleurs.
On utilisait que très rarement des
calibres ; ceux-ci servaient à la stricte réalisation des ovales ou des médaillons du
bas de la gaine. |
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Charges, liants, pigments et vernis
constituent les ingrédients du décor.
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Charges, enduits pour apprêter le
bois : argile, kaolin, plâtre, blanc minéral, quartz.
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Liants pour permettre l'adhérence
des pigments et des charges : blanc d'uf, jaune d'uf, huile de lin, caséine,
colle de peau ou de nerf, gomme arabique.
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Les pigments pour le décor : blanc
de zinc, blanc d'argent, de céruse, noir de fumée, d'os ou de Cassel, jaune d'ocre,
terre de Sienne, terre d'ombre, ocre rouge, rouge de mars, de cinabre, de cochenille, bleu
de Prusse, d'Anvers, de cobalt, outremer, vert de chrome, de titane, de montagne pour les
principaux.
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Les vernis pour assurer la
protection finale : copal, dammar, gomme laque.
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Bouquet fleuri avec rose
Image d'Epinal sur horloge comtoise |
Méprisés très souvent pour avoir
été "industrialisés", les décors sont pourtant, dans la plupart des cas, des
chefs-duvres. Lartisan paysan qui soccupait de la décoration et
qui faisait 6 à 7 décorations de comtoises par jour finissait par avoir loeil
spécialement exercé. Aucun gabarit ne permettait de répéter et de multiplier des
combinaisons darabesques. Les boîtiers étant tous plus ou moins construits dans
les mêmes proportions. Les artisans étaient passés maîtres, en un siècle de pratique,
dans la diversification des combinaisons de volutes et de motifs floraux. Tous les décors
étaient réalisés à main levée suivant linspiration du moment dans la plupart
des cas : toutes les arabesques dapparence symétrique, après vérification,
démontrent des irrégularités flagrantes qui pourtant ne choquent pas au regard. Les
erreurs étaient très difficiles à corriger par la suite... Il est amusant de constater
aussi sur certains effets de faux-bois des empreintes digitales, trahissant sans
contestation un travail...fait main !
Les premiers décors comportaient
de nombreuses similitudes avec ceux réalisés en Alsace et dans les pays de l'Est.
Les représentations végétales
constituaient la principale source d'inspiration : on trouve de nombreux bouquets fleuris
avec roses et épis de blé dans les médaillons du soubassement. La gravure des fleurs
laissait place dans certains cas à un travail au pinceau avec des couleurs plus
généreuses sans toujours tenir compte des limites gravées.
A la fin du XIX° siècle la
possibilité d'intégrer une image dans le médaillon apparaît. Souvent une image
d'Epinal, une chromolithographie ou simplement la couverture en couleur d'un magazine de
l'époque. Collée et décorée tout autour selon l'inspiration de l'artiste puis vernie
cette image donnait l'impression d'un meuble raffiné. |
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