La lumière, la couleur, 
ou comment rendre l'impression d'éloignement en peinture

henri peyre
par
Henri PEYRE
ancien élève des Beaux-Arts de Paris
ancien professeur à l'école des beaux-arts de Nimes
photographe et webmestre de
www.galerie-photo.com

Un canal qui obéit à la perspective...

 

A/ La Lumière

 

(Caractéristiques et effets physiologiques particuliers)

Il convient de ne pas oublier que la lumière n'est qu'un ensemble de radiations, comme les sons ou les ondes radios. Simplement ce sont les radiations que notre œil sait percevoir, notre oreille en percevant sur un autre registre... le poste radio sur un troisième encore.
L'analyse de la lumière ne peut donc pas être coupée de la physiologie humaine.

1/ Comment on voit

Rappel :

Qu'est-ce que la lumière ?
La lumière est un phénomène ondulatoire correspondant à l'émission de particules d'énergie lumineuse appelées photons.
Telle l'eau qui se déplace en se soulevant et en s'abaissant en des cercles concentriques, lorsqu'on y jette un projectile, la lumière est une onde correspondant à la vibration d'un champ électromagnétique. Cette vibration, en se propageant, décrit une courbe présentant un maximum et un minimum.
La distance séparant 2 minima ou 2 maxima successifs s'appelle la longueur d'onde et est caractéristique de l'onde électromagnétique. Cette distance étant très faible, on utilise comme unité de mesure l'Angström (un Angström = 0,000 001 m). L'intensité du rayonnement est sa seconde caractéristique : à longueur d'onde égale, un rayonnement peut être plus ou moins intense, selon que l'écart entre un minimum et un maximum est plus ou moins grand.

Lorsqu'un rayonnement quelconque (ondes dites lumineuses ou radios, ou sons...) frappe notre œil, il ne peut être détecté par les minuscules capteurs qui en tapissent le fond que dans la mesure où il est dans le spectre du "visible", avec une longueur d'onde comprise entre 4000 et 8000 Angström.
La sensibilité des capteurs de notre œil a une deuxième limite : on estime qu'un observateur exercé ne peut reconnaître plus de 150 à 200 couleurs différentes.

a/ C'est la longueur d'onde des radiations qui détermine l'impression de couleur

violet
bleu
bleu-vert
vert
jaune-vert
jaune
orangé
rouge

vers 3800/4000 Angström
de 4000 vers 4850
vers 4900
de 4900 vers 5600
vers 5700
vers 5870
vers 6130
de 6400 vers 7000/7800

spectre_du_rayonnement.GIF (7318 octets)

b/ l'œil est le plus sensible à la radiation jaune-vert ; que l'on aille vers le violet ou le rouge, en quittant les radiations jaune-vert, sa sensibilité diminue, et, avec, sa capacité d'analyser les couleurs qui lui sont soumises. La "mise au point" se fait sur la radiation jaune-vert.
C'est pourquoi les publicités vert fluo se multiplient malheureusement dans nos rues !

c/ Chacun ne voit pas tout à fait les mêmes couleurs que le voisin (de la même façon qu'il y a des individus de toutes les tailles) ; le daltonisme, uniquement chez les hommes, annule même la sensation du rouge, plus rarement du vert, très exceptionnellement du bleu.

d/ L'effet Purkinje :
lorsque l'intensité de la radiation diminue, la sensibilité de l'œil pour le rouge diminue en premier, puis finit par s'effacer, suivie par celle pour le jaune. Simultanément la sensibilité maximale se déplace vers le bleu. Cette modification fait qu'au clair de lune toute coloration disparaît, l'œil ne percevant plus qu'un gris bleuté, alors qu'en réalité la proportion de radiations rouges est plus élevée dans la lumière lunaire que dans la lumière solaire. De plus, l’œil s'accommodant assez mal pour la lumière bleue, l'acuité visuelle diminue, si bien que la perception perd de sa netteté linéaire.

e/ L'effet Bezold-Brücke :
Inversement, lorsque l'intensité s'accroît considérablement, ce qui est le cas en plein soleil en été, la sensation colorée se restreint ; le rouge et le vert se confondent avec le jaune, le bleu-vert et le violet avec le bleu clair; de plus, les teintes résiduelles perdent leur saturation (c'est à dire apparaissent mêlées à de la lumière blanche). Cet effet explique l'appauvrissement notable des sensations colorées dans les grandes lumières solaires.

2/ L'explication physiologique :

Sur la rétine, nous disposons de trois capteurs sélectifs, qui ont leur maximum respectif pour la lumière bleue (4400 Angström), pour la lumière verte (5350), pour la lumière jaune-orangée (5750). La sensation de couleurs est réalisée par l'addition des impressions recueillies par les capteurs.
Cette sensation peut être altérée par la fatigue passagère d'un des types de capteurs (contraste successif), par la proximité d'une plage de couleur environnante à un objet qu'on regarde (contraste simultané), par la diminution de l'intensité lumineuse qui n'altère pas également les performances des trois sortes de capteurs (effet Purkinje) ou par la fatigue de tous les capteurs dans une lumière trop forte (effet Bezold-Brücke).

3/ Vocabulaire

Le vocabulaire est usuel ; par rapport aux explications scientifiques, il n'a pas toujours de fondement :

COULEUR : qualité d'une matière (bleu, jaune, rouge, vert, violet, orange...) qui est sur, par exemple, une photographie.
VALEUR : assombrissement ou éclaircissement d'une couleur donnée : ce que donne la couleur sur la même photographie en noir et blanc.
CONTRASTE DE COULEURS : juxtaposition de couleurs opposées sur le cercle chromatique.
CONTRASTES DE VALEURS : juxtaposition de valeurs opposées sur l'échelle des blancs et des noirs.

 

B/ La Couleur

Le Cercle des Couleurs
Le Cercle des Couleurs
Le cercle des couleurs est une représentation conventionnelle de la gamme des couleurs visibles. Sur le cercle illustré ci-contre, on représente à la fois les couleurs et la façon dont on peut les dégrader par les valeurs, en allant au centre du cercle vers le blanc, et à l'extérieur vers le noir.
Une utilisation possible du cercle des couleurs est la recherche rapide d'une couleur complémentaire. La couleur complémentaire d'une couleur est sa couleur opposée sur le cercle des couleurs. En associant 2 couleurs complémentaires on obtient un rapport de couleur violent. En juxtaposant des couleurs moins opposées sur le cercle, on trouve des accords plus doux et moins dissonants... On oscille entre se faire voir en hurlant ou rester de bon goût mais être terne ! La théorie ne remplace pas le talent !

1/ Lumière blanche et couleurs, addition et soustraction

L'impression de lumière blanche est obtenue, pour notre œil, lorsqu'il capte toute les couleurs de l'arc-en-ciel confondues. A ce moment, tous les capteurs de notre œil sont sollicités, et nous avons l'impression de lumière blanche. On dit que la lumière blanche est l'addition de toutes les couleurs.

Lorsqu'un objet est présenté à la lumière blanche, il est frappé à la fois par toutes les radiations lumineuses (bleues, rouges, jaunes...) qui la constituent.
Cet objet, de par sa nature physique, peut absorber certaines de ces radiations, et réfléchir les autres, qui n'ont pas réussi à y pénétrer. Ainsi l'encre rouge est un corps qui absorbe à peu près toute la lumière sauf les radiations rouges. Les radiations rouges rebondissent à la surface de l'encre et viennent frapper notre œil, qui a l'impression donc que l'encre est rouge, puisqu'elle ne ré émet que du rouge. On dit que la couleur des objets est obtenue par soustraction.
Peu de corps réémettent toute la lumière qui les a touchés : la neige et un morceau de craie très blanche sont de ceux-là.
Très rares aussi sont les corps qui absorbent la totalité de la lumière ; c'est le cas du feutre noir qui représente un des noirs les plus intenses que nous connaissions sur terre. Il ne renvoie à peu près rien à l'œil, et on ne le voit que par comparaison à l'environnement qui est plus lumineux.

2/ Fatigue de l'oeil et contraste des couleurs

a/ couleurs complémentaires :
Les capteurs de l'œil sont réglés pour percevoir la totalité de la lumière blanche. Si l'œil est soumis assez longtemps à un type de radiation particulier (une couleur particulière), sa sensibilité à ce type de radiation finit par s'émousser, et il devient particulièrement réceptif à la couleur complémentaire pour laquelle sa sensibilité n'a pas été sollicitée :
par exemple, si je regarde longuement du bleu, ma capacité à percevoir le bleu s'émousse (mes capteurs se fatiguent) et un orange qu'on me présentera me paraîtra très vif.
A cause de ce phénomène de fatigue visuelle, on dit que deux couleurs sont complémentaires lorsque leur addition donne la lumière blanche.

b/ utilisation des complémentaires :
Pour attirer l'œil sur un document, un endroit particulier d'une surface colorée, on utilise le contraste simultané qui consiste à juxtaposer deux couleurs complémentaires. Le passage rapide d'une couleur à l'autre crée pour le regard un véritable choc : à peine un type de capteurs est-il fatigué que l'autre est sollicité brutalement.
Citons trois contrastes simultanés de couleurs complémentaires (il y en a une infinité sur le cercle chromatique) :
la juxtaposition du jaune au violet, la juxtaposition du vert au rouge, la juxtaposition du bleu à l'orange.

Une autre utilisation peut-être faite des couleurs complémentaires : il s'agit du contraste successif, qui consiste à présenter à un observateur une couleur unie qui engendre chez lui une fatigue visuelle des capteurs concernés. Lorsque la fatigue est établie, on lui présente un objet dont la perception ne peut plus se faire qu'avec les capteurs encore valides. Il perçoit l'objet dans la couleur de la teinte complémentaire à celle avec laquelle on a fatigué son œil. (un exemple que nous avons tous subi : on roule sous un tunnel éclairé avec des lampes oranges ; en sortie de tunnel, et pendant une quinzaine de secondes, tout le paysage nous apparaît complètement bleu). Appliqué au meuble peint : faites donc un meuble orange vif, laissez-le admirer un certain temps, et lorsque les capteurs des yeux de vos amateurs ne seront plus capables que d'analyser du bleu, ouvrez le meuble et laissez les contempler l'intérieur magnifiquement bleu que vous avez conçu pour eux. L'effet sera saisissant. Jamais un bleu ne leur sera apparu aussi riche !

 

C/ Application : comment rendre l’impression d'éloignement ?

 

1/ par la perspective

Historiquement, les premières représentations de la profondeur n'ont été réalisées qu'à la fin du XIIIème siècle par Giotto, et ne furent systématisées qu'à la Renaissance (XVème), les artistes de la Renaissance étant très rationalistes (Apparition du système du cadre perspectif).
L'apogée scientifique de la mise en place de la perspective est l'invention en 1765 de la géométrie descriptive par Monge ; il la définit comme l'art de représenter sur une feuille de papier qui n'a que deux dimensions les objets qui en ont trois et qui sont susceptibles d'une définition rigoureuse.

Résumé des principes :
a/ L'horizon est à la hauteur de l'œil de l'observateur.
b/ Toutes les lignes perpendiculaires à l'horizon semblent converger au loin en un point unique, appelé point de fuite.
c/ Le point de fuite est à l'intersection de l'horizon et du regard de l'observateur, porté droit devant lui.
d/ Toutes les lignes parallèles convergent en un même point.

Exemple
Un canal qui obéit à la perspective...
On voit ici la convergence des parallèles (en rouge) au point de fuite. La ligne d'horizon a été représentée en jaune.
Elle est au croisement du point de fuite et de la ligne du regard. Cette ligne d'horizon est à la hauteur exacte de l'œil de l'observateur. Notez également le bleuissement et la diminution des contrastes dus à l'éloignement.

2/ par l'utilisation des couleurs :

les capteurs au fond de notre œil ne sont pas rangés sur un même plan. L'accommodement se fait sur les capteurs oranges, et les autres couleurs apparaissent plus ou moins proches :
Le rouge apparaît plus proche de nous ; le bleu apparaît plus loin. Des raisons sentimentales s'accrochent à ces raisons physiologiques : le rouge est la couleur du sang, de la peau, du foyer, c'est à dire de ce qui est proche et réchauffe ; le bleu est la couleur des lointains, du froid, de l'hiver, c'est à dire de ce qui est loin et refroidi.

3/ par l'effet atmosphérique couleur :

a/ Lorsqu'on regarde un paysage, la quantité d'air (légèrement bleuté) qu'il y a entre nous et l'objet d'observation augmente. Plus il est loin et plus l'objet est bleuté.
b/ De la même façon, les contrastes de couleurs diminuent à mesure qu'on s'éloigne vers l'horizon, subissant l'effet de ce filtre bleuté.

 4/ par l'effet atmosphérique monochrome :

Sur une photographie noir et blanc, plus l'objet est loin, et plus ses contrastes de gris deviennent doux. A l'horizon, tout est gris clair, et les objets se fondent les uns dans les autres.

Ainsi, et même dans une composition arbitraire, non figurative, on peut se servir de ces effets d'éloignement pour hiérarchiser l'importance de différents éléments entre eux : l'élément le plus important sera décrit comme l'élément le plus proche ; il occupera la plus grande place (effet perspectif) avec des couleurs chaudes (proximité physiologique et psychologique), et comportera des contrastes de tonalité ou de couleurs violents. Bien que nous soyons dans le non-figuratif, l’œil et le cerveau continuent de raisonner par rapport à la réalité physiologique !

Autre article du site sur la perspective

 

comment construire un carrelage en perspective

 

Bibliographie

 

Art de la couleur de Johannes ITTEN

 

   






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